Présentation

Histoire

Le Centre d’études sur les médias, les technologies et l’internationalisation (CÉMTI) est créé en 2001. Son premier directeur est Armand Mattelart (2001-2004), à qui ont succédé Jacques Guyot (2004-2013), Fabien Granjon (2013-2017), Jacob Matthews (2017-2018), Alexandra Saemmer et Maxime Cervulle (2019-2024).  Il est désormais dirigé par Sébastien Broca et Giuseppina Sapio.

À l’origine, en 2001, le CÉMTI regroupe 3 sous-équipes : le GREDAC (Groupe de recherche sur les dispositifs et les acteurs de la communication, animé par Thierry Lancien), le GRAME (Groupe de recherche sur les apprentissages des médias et l’éducation, animé par Geneviève Jacquinot-Delaunay) et Intermédia (animé par Jean-Paul Desgoutte). 

En 2008, les 3 sous-équipes laissent place à 4 axes de recherche : « Histoire, politiques et analyse des médias » ; « Territoires et internationalisation » ; « Industries de la culture, de l’information, des arts et de l’éducation » ; « Usages et TICN (Technologies d’information et de communication numériques) ». 

En 2010, les 4 axes de recherches sont regroupés 2 par 2 : le premier axe intitulé « Approches interdisciplinaires des médias et des industries culturelles » (animé par Gilles Delavaud puis Fabien Granjon) comprend « Histoire, politiques et analyse des médias » et « Réception, pratiques, usages » ; le second axe intitulé « Internationalisation, économie politique de la communication (animé par Tristan Mattelart) comprend « Économie politique de la communication » et « Internationalisation de la communication ». 

En 2012, les 2 axes sont remplacés par 2 « équipes internes » : « Marges & dispositifs médiatiques : contenus, publics, usages » (animée par Fabien Granjon puis Aurélie Tavernier, puis Maxime Cervulle) et « Mondialisation, minorités et industries culturelles » (animée par Tristan Mattelart), ainsi que 3 « projets transversaux » : « Médias, technologies, et (contre-)révolutions », « Journalisme intégré en Europe », et « Cultures critiques et mondialisation ». 

En 2016, les 2 « équipes internes » sont à leur tour remplacées par 3 « axes de travail transversaux » : « Épistémologies et critique », « Industries culturelles et expériences médiatiques » et « Communication, rapports sociaux et résistances »

En 2018, les 3 « axes de travail transversaux » sont remplacés par 2 sous-équipes, l’une liée à une « Approche communicationnelle des médias, rapports sociaux et résistances », l’autre aux « Expériences oppositionnelles et (contre)-hégémonies ».

En 2019, les 2 sous-équipes sont fusionnées et le travail est réparti selon 4 axes de recherche : « Approches communicationnelles de l’image et du regard », « Art, politique et expériences spectatorielles », « Médias, médiatisations et logiques d’appropriation », « Logiques de production des plateformes et usages résistants ».

En 2024, 3 nouveaux axes de recherche sont constitués : « Approches critiques des arts, des industries culturelles et des cultures visuelles », « Production, circulation et réception de l’information dans l’espace public », « Mutations, contradictions et régulation du capitalisme numérique ».

La direction du CEMTI

2001-2004

Armand Mattelart

2004-2013

Jacques Guyot

2013-2017

Fabien Granjon

2017-2018

Jacob Matthews

2019-2024

Maxime Cervulle et Alexandra Saemmer

2024-aujourd'hui

Sébastien Broca et Giuseppina Sapio

Projet scientifique

Les SIC (Sciences de l’information et de la communication, 71e section du CNU) ont, dès l’origine de la discipline, adopté un positionnement faisant converger les apports des sciences sociales, littéraires, du langage, de l’éducation, politiques et économiques permettant d’induire des questionnements transversaux. Le CÉMTI réunit ses chercheurs autour de la volonté d’articuler l’étude communicationnelle des médias à la prise en compte des lignes de force sociales, économiques, culturelles, en tenant compte de la spécificité des espaces, des dispositifs, des acteurs médiatiques et des politiques publiques qui les concernent. Les activités scientifiques du CÉMTI s’appuient sur un commun dénominateur épistémologique, dont les trois principales caractéristiques sont les suivantes :

  • une inscription dans les sciences sociales

  • un principe d’interdisciplinarité

  • une perspective critique


Une inscription dans les sciences humaines et sociales

Le CÉMTI revendique son attachement aux sciences humaines et sociales, qui apparaissent comme le domaine académique pertinent pour penser les théories sociales de la communication. Les activités scientifiques du CÉMTI mobilisent donc une épistémè dont le principe est à même de décrire, d’analyser, de comprendre et d’évaluer les faits sociaux de communication, i.e. de rendre compte des pratiques des sujets sociaux en tant qu’ils sont membres de divers collectifs et qu’ils participent de dynamiques communicationnelles variées mobilisant médias, TIC, idéologies et industries culturelles. Le CÉMTI considère que les faits sociaux de communication sont toujours en rapport avec des fins sociales qui relèvent de rapports de force, de formes de domination, de rapports de sens et de rapports pratiques, et que l’individu et le collectif sont intégrés à un même système de relations mettant en lien des structures mentales et comportementales et des structures sociales. Le CÉMTI privilégie des approches attentives à la fois à la genèse sociale des schèmes de perception, de pensée et d’action et aux structures sociales (notamment médiatiques) qui en cadrent la portée. Les membres du CÉMTI partagent ainsi une approche qui pose que les réalités sociales doivent être comprises à la fois dans leurs genèses et dans leurs structures.


Un principe d’interdisciplinarité

Le CÉMTI encourage les dispositions à l’interdisciplinarité. Cette dernière permet en effet d’éviter l’hyperspécialisation, de lutter contre la dispersion des sciences sociales et humaines en disciplines académiques mutuellement indifférentes, ainsi que de comprendre des faits sociaux de communication comme des réalités dynamiques, plurielles, contradictoires, dépendantes les unes des autres. Les membres du CÉMTI sont particulièrement attentifs à établir un cadre d’exercice répondant aux normes de l’esprit scientifique dont la vocation est de produire des connaissances scrupuleusement conquises, construites et constatées. L’interdisciplinarité oblige à s’appuyer sur un principe empirico-théorique qui va à l’encontre, à la fois, de l’empirisme sans concepts ; et du théoricisme qui fait l’économie de l’administration de la preuve. Il s’agit d’élargir l’idée de faits communicationnels pour considérer, comme des aspects de ce qu’ils sont, à la fois le processus par lequel ils sont devenus ce qu’ils sont, et les médiations (médiatiques, culturelles, techniques, etc.) dans lesquelles ils se situent.


Une perspective critique

Le CÉMTI se démarque des impératifs d’expertise et fait fond sur des perspectives critiques, réaffirmant une filiation avec les origines de l’Université de Paris VIII. Le CÉMTI revendique donc l’approche critique comme nécessité conduisant à mettre au jour, à analyser et à évaluer des ordres sociaux. Les recherches du CÉMTI s’appuient sur l’exigence d’un rapport qui doit être maintenu entre la théorie et la pratique. Ce que préconise la perspective critique, c’est de se poser la question (en théorie) de sa réalisation pratique, de se placer sous condition de la pratique, laquelle devient un critère de jugement de la connaissance et de son utilité critique, sachant que ladite pratique est censée trancher non sur la validité scientifique, mais sur la pertinence politique du savoir. Les problématiques mobilisées ne rejettent évidemment pas l’objectivité, mais elles considèrent que cette dernière est une construction sociale, et les concepts sur lesquels elles s’appuient mêlent donc description, analyse et jugement. La critique se construit ainsi contre l’illusion de l’appréhension immédiate du monde et contre le sens commun. Les perspectives du CÉMTI s’inscrivent ainsi dans une entreprise de dénaturalisation des rapports sociaux qui fondent les divisions arbitraires de l’ordre social, et dans un travail collectif d’invention politique et d’analyse des dissymétries sociales, notamment en termes de pouvoir, de domination, d’inégalités, d’illusions, de pathologies et d’injustice sociales.

Axes thématiques

L’étude des rapports de pouvoir, ainsi que de leur articulation dans les arts, les médias les cultures populaires et les technologies, occupe désormais une place cruciale dans les Sciences de l’information et de la communication. Depuis longtemps, les recherches menées au CEMTI analysent la manière dont les rapports sociaux de genre, de classe et de race perpétuent des inégalités économiques, engendrent des régimes de visibilités, façonnent les pratiques de réception, suscitent des luttes pour la reconnaissance et reconfigurent les hégémonies culturelles. Dans une perspective internationale, le CEMTI s’intéresse ainsi aux enjeux de domination liés au capitalisme, aux rapports Nord-Sud, au racisme, au sexisme et à l’homophobie dans le champ de la communication. Il se montre attentif aux catégories de pensée mobilisées par les discours critiques, à leurs ancrages épistémologiques et aux régimes de savoir qu’ils déploient. Il est aussi sensible aux zones d’autonomie, aux imaginaires et aux utopies, qui cherchent à combattre la domination ou à y échapper. Ces lignes directrices de nos recherches structurent trois axes thématiques.

1. Approches critiques des arts, des industries culturelles et des cultures visuelles

Historiquement ancré dans des épistémologies critiques, le CEMTI s’intéresse aux processus de production, circulation et réception à l’œuvre au sein des arts, des industries culturelles et des cultures visuelles, en mobilisant des perspectives hétérogènes, issues d’horizons disciplinaires différents. Les approches critiques peuvent investir de multiples aspects des arts, des industries culturelles et des cultures visuelles : des logiques socio-économiques de production aux politiques institutionnelles et culturelles, des représentations véhiculées par les œuvres aux publics qui les reçoivent et se les approprient, des dispositifs techniques de création aux dispositifs de médiation, des images aux regards. Les approches critiques appréhendent donc la création artistique, les industries culturelles et les cultures visuelles à travers les sociabilités, les conflictualités et résistances qu’ils génèrent. En outre, à une époque où ces approches sont incorporées par les médias et les industries culturelles, donnant lieu à des politiques, des labels et de nouveaux métiers, le CEMTI interroge cette institutionnalisation de la critique sociale ainsi que les formes potentielles de son renouveau : recherche-création, recherche-action, etc.


2. Production, circulation et réception de l’information dans l’espace public

Les transformations médiatiques contemporaines altèrent les logiques de production, de circulation et de réception de l’information, tout en laissant subsister certains invariants : rôle des médias dans la construction des problèmes publics, influence des grands groupes privés, polarisation de l’attention médiatique, construction de dispositifs de certification de l’information. En s’appuyant sur la tradition d’analyse des médias propre au CEMTI, les recherches menées étudient le fonctionnement de l’espace public contemporain en analysant les rapports de pouvoir qui s’y nouent et les dynamiques de classe, race, genre qui le traversent. Elles sont notamment attentives à l’évolution de la profession de journaliste, au développement de médias alternatifs, de logiques participatives et de pratiques oppositionnelles, à la circulation transnationale de l’information et de la désinformation sur les réseaux ou encore au rôle de l’expertise scientifique. Le CEMTI accorde enfin une place importante à l’éducation critique aux médias et aux enjeux de littératie, en lien notamment avec les nouveaux modes de consommation de l’information favorisés par le numérique.


3. Mutations, contradictions et régulation du capitalisme numérique

La numérisation des sociétés s’effectue sous l’égide d’un petit nombre d’entreprises-plateformes : les Big Tech. Celles-ci en sont venues à dominer de larges pans du capitalisme mondial, suscitant des transformations économiques, technologiques, politiques et culturelles. Les recherches menées au CEMTI éclairent ces dynamiques, en étant attentives aux recompositions des rapports de pouvoir qu’elles suscitent. Elles s’intéressent aux mutations du capitalisme sur la longue période, aux nouvelles logiques d’innovation techno-scientifiques et aux enjeux réglementaires afférents (données personnelles, liberté d’expression en ligne, propriété intellectuelle, lutte contre les monopoles de la Tech, encadrement de l’IA). Elles analysent également les résistances et les critiques, qui émergent dans les mondes numériques : défense des libertés publiques, subversion des technologies et des dispositifs, création d’alternatives par la promotion des communs, mouvements sociaux et syndicaux autour du digital labour.