Ce projet porte sur le rôle joué par l’origine perçue dans les mécanismes de sélection des comédien·nes dans trois secteurs : le cinéma, la télévision et le théâtre. Elle donne à voir la manière dont les assignations ethnoraciales configurent les trajectoires professionnelles des actrices et acteurs perçus comme non blancs, dessinant simultanément les contours des opportunités et des obstacles, les frontières des rôles prescrits et proscrits. Du temps de la formation aux phases du recrutement, des plateaux de tournage aux coulisses de théâtres, leur carrière se trouve sous l’emprise de catégories ethnoraciales dont il est difficile – et rare – de pouvoir se défaire. L’étude s’appuie sur une centaine d’entretiens menés auprès de comédiennes ou comédiens perçus comme non blancs, de responsables de distribution artistique et de metteuses ou metteurs en scène, afin d’éclairer le processus de recrutement du côté des artistes et des intermédiaires qui en ont la charge.
Trois objectifs guident le projet. Il s’agit d’abord d’apprécier la place qu’occupe la typification ethnoraciale dans le processus d’appariement propre à l’étape de la distribution des rôles. Nous nous intéressons particulièrement aux registres de justification du choix des comédiennes et comédiens, y compris dans sa dimension variable, selon les secteurs. En effet, face au caractère explicite de la typification ethnoraciale dans la distribution cinématographique et audiovisuelle, quelles sont les modalités de recrutement propres au théâtre public, où l’absence d’intermédiaires chargées de la sélection des comédien·nes rend moins palpables les mécanismes de discrimination décriés par certain·es artistes ? Le deuxième objectif de cette étude est précisément de rendre compte du vécu qu’ont les comédiennes et comédiens perçus comme non blancs du processus de recrutement. Quel regard portent-ils sur la sélection et sur ses modes de justification ? Y perçoivent-ils des discriminations ? Jusqu’à quel point leur expérience professionnelle se trouve-t-elle marquée par le renvoi à leur apparence ? Enfin, le développement de la connaissance sur la place qu’occupent les imaginaires ethnoraciaux dans les pratiques de recrutement des comédiennes et comédiens – que ce soit dans le casting audiovisuel et cinématographique ou dans les recrutements par réseaux propres au secteur théâtral – permet d’identifier des mécanismes de discrimination, mais aussi les manières par lesquelles les inégalités de représentation sont produites.